Le Point daté du 12 septembre 2019 consacre un important dossier au sujet de l’intelligence et de sa mesure. Dans ce dossier sont cités un certain nombre de chercheurs français et étrangers. Chacun a été longuement interviewé et a répondu à de nombreuses questions, mais seules quelques phrases ont été sélectionnées par le magazine. Comme il est dommage que toutes ces réponses soient perdues, Nicolas Gauvrit et moi-même mettons ci-dessous toutes nos réponses (que nous avons données indépendamment l’un de l’autre) à la disposition des lecteurs intéressés. J’y ai également ajouté des questions et réponses issues d’autres interviews (28/10/2019).

Le Point: Quelle est votre définition de l’intelligence?

Nicolas Gauvrit: Si l’on parle de l’intelligence au sens du QI, je dirais que c’est une mesure très générale de l’efficacité du fonctionnement mental (cognitif) d’une personne.

Cependant, dans un sens plus courant, l’intelligence serait plutôt la capacité d’adaptation à des situations nouvelles. Dans ce sens, elle engloberait alors une partie d’intelligence émotionnelle, de compréhension sociale et de créativité, en plus de l’efficacité cognitive.

Franck Ramus: L’intelligence est un mot du langage courant qui correspond à une simple intuition. Le concept qui a une validité scientifique est celui d’intelligence générale, qui est la résultante de l’ensemble des fonctions cognitives (langage, raisonnement, mémoire, planification, rapidité…). On peut la comprendre comme une moyenne de toutes nos fonctions intellectuelles.

Les tests d’intelligence sont des outils de mesure, qui ont des qualités et des limites, comme tout outil de mesure. Le QI est l’échelle numérique sur laquelle on rapporte les résultats des tests. Cette échelle est étalonnée sur la population pour chaque classe d’âge (moyenne de 100, écart-type de 15).

[pour en savoir plus sur l’intelligence générale]

Le Point: On parle parfois du facteur G, pouvez vous nous expliquer ce qu’il désigne  ?

FR: Le facteur g est le nom technique (en statistiques) de la moyenne des fonctions cognitives que constitue l’intelligence générale.

Le Point: Que mesurent concrètement les tests d’intelligence (mémoire, attention, rapidité neurone?….)

FR: On distingue généralement d’une part l’intelligence verbale ou cristallisée, qui inclut le vocabulaire, le raisonnement verbal, la mémoire de travail, et qui repose en grande partie sur les connaissances acquises ; et d’autre part l’intelligence non-verbale ou fluide, qui inclut le raisonnement abstrait, les capacités visuo-spatiales, la vitesse de traitement, et qui est moins dépendante des connaissances acquises.

NG: Le QI mesure correctement une version restreinte de ce qu’on peut appeler l’intelligence : une compétence très générale. Les mots-clés sont rapidité, mémoire, connaissances, capacité de raisonnement. Un équivalent du QI dans les matières scolaires serait la moyenne générale, qui mesure globalement les résultats, sans faire la distinction entre les disciplines.

Le Point: Souvent, on dit d’une personne qu’elle est intelligente ou, au contraire, bête. Ce jugement est-il corrélé avec le QI ?

FR: Oui, les jugements intuitifs sont corrélés au QI (les chercheurs qui ont développé les tests cherchaient à capturer la notion intuitive d’intelligence). Mais souvent ces jugements se basent sur une connaissance incomplète de la personne, et sur une focalisation sur une dimension particulière : le fait que quelqu’un s’exprime bien, ou qu’il soit très cultivé, ou qu’il comprenne vite, ou qu’il soit fort en maths. Les tests d’intelligence, eux, prennent en compte toutes ces dimensions (et d’autres). Par conséquent, quelqu’un qui a une haute intelligence générale est quelqu’un qui est bon dans tous ces domaines.

Le Point: Le QI reste-t-il le même tout au long de la vie?

NG: Il est statistiquement très stable à partir de l’adolescence. Cela veut dire qu’en général, il ne varie pas beaucoup, mais il y a des cas particuliers qui peuvent correspondre à des traumatismes, des maladies mentales ou autre. [voir la stabilité du QI dans cet autre article]

Le Point: Où se loge l’intelligence dans le cerveau?

FR: Il n’y a pas de région cérébrale unique de l’intelligence. Toutes les régions contribuent. Néanmoins, les lobes frontaux, par leur rôle de « contrôleur » ou « coordinateur » des autres fonctions cognitives, jouent un rôle particulièrement important.

Le Point: Le QI est-il héritable ? Dans quelle proportion ? 

NG: La génétique explique plus de la moitié des variations de QI, ce qui ne veut pas dire grand chose de concret, mais disons que le facteur génétique est important (même s’il n’explique certes pas tout). On n’a pas identifié de gène de l’intelligence en particulier, mais on sait que le QI est en grande partie héritable. Les études sur la question sont si nombreuses qu’il n’y a plus de doute sur ce résultat.

FR: Les différences individuelles dans les scores de QI sont dues environ pour moitié (50%) à des différences génétiques, et pour moitié à des différences d’environnement (incluant à la fois l’environnement social et biologique, notamment prénatal). Ces estimations résultent de nombreuses études permettant de dissocier les influences génétiques et environnementales sur l’individu. En grande majorité ce sont les études de jumeaux, qui montrent que les vrais jumeaux ont des QI plus proches que les faux jumeaux, en raison de leur similarité génétique plus grande. Ces résultats ont été confortés par les études d’adoption, qui montrent par exemple que les frères et sœurs élevés ensemble ont des QI plus proches s’ils sont reliés génétiquement que s’ils ne le sont pas. Plus récemment, les études de génétique moléculaire ont apporté une confirmation totalement indépendante de ces estimations, en calculant la proportion des variations de QI qui sont expliquées par des variations génétiques mesurées directement dans le génome des individus. A ce sujet, lire l’article de Paige Harden.

Q: Est-il vrai que le QI de la population baisse, du fait des pesticides, des perturbateurs endocriniens, ou des écrans?

FR: Certaines études dans certains pays ont trouvé une tendance récente à la baisse des scores de QI, mais ce n’est pas une constatation générale. La tendance générale est plutôt que les scores de QI ont beaucoup progressé au cours du 20ème siècle, et que cette progression semble maintenant s’atténuer et plafonner. Voir mon article à ce sujet.

Le Point: Le Quotient intellectuel matérialisé par un chiffre a-t-il une signification en lui-même? Faut-il, en fait, l’intégrer dans un bilan psychologique ?

NG: En clinique, lorsque l’on peut obtenir un score de QI fiable (car la passation n’est pas toujours facile, ou des difficultés psychologiques peuvent rendre le test inutilisable), celui-ci a un sens. Il permet de savoir où se situe globalement un individu par rapport aux autres au niveau cognitif. Il n’a pas toujours de sens et il ne faut certainement pas toujours l’intégrer dans un bilan psychologique. Il est surtout utile quand un tableau clinique pourrait s’expliquer par une défaillance générale ou pas. Par exemple, on fait la différence entre une personne avec retard mental (QI faible) et qui, pour cette raison, a du mal à lire, et une personne dyslexique avec un QI moyen ou supérieur. Cela influence ce qu’on peut envisager comme accompagnement.

Q: Le QI fait l’objet de nombreuses critiques, que mesure t-il et à quoi sert-il selon vous?

FR: Le QI est souvent critiqué quand on veut lui faire dire plus qu’il ne dit. Ou quand on lui attribue des propriétés qu’il n’a pas. Beaucoup critiquent par exemple l’idée que le QI serait inné, gravé dans le marbre à la naissance, ce que personne ne dit (puisqu’il y a 50% de facteurs environnementaux impliqués). Quand on comprend que le QI est juste une moyenne de l’ensemble des fonctions cognitives, on en voit mieux à la fois l’intérêt et les limites. L’intérêt est exactement le même que de faire la moyenne générale des notes d’un élève à l’école : cela permet d’avoir une mesure synthétique qui résume tous les résultats en un seul nombre. La limite est la même aussi : un nombre contient moins d’information que dix. Cela ne permet pas de savoir si un individu a des talents ou des difficultés dans un domaine particulier. Une autre limite est que, comme pour tout instrument de mesure, les tests de QI ont une précision qui n’est pas infinie, et qu’il faut respecter certaines conditions d’utilisation pour que la mesure soit fiable et valide. Constater ces limites n’est pas plus de nature à remettre en cause l’usage des tests de QI que celui du thermomètre.

Le Point: Combien dénombrez-vous de formes d’intelligence  ? 

FR: Il existe de multiples capacités cognitives et de multiples talents qu’un être humain peut posséder à divers degrés. L’intelligence générale, en revanche, est une moyenne de toutes ces capacités, il n’y en a donc qu’une, par définition.

Le Point: Existe-t-il des formes d’intelligences oubliées par les tests de QI ?

FR: Les compétences sociales sont relativement peu sollicitées dans les tests de QI usuels. Leur évaluation fiable n’est pas simple et reste un véritable sujet de recherche. Les mesures populaires d’ « intelligence émotionnelle » (QE) sont purement déclaratives et donc ne remplissent pas correctement ce rôle.

Q: Quel crédit doit-on accorder à la théorie des intelligences multiples? Des chercheurs prétendent avoir réussi à identifier des aires cérébrales spécifiques pour chacune des intelligences énoncées par Gardner. Est-ce une preuve suffisante de la validité de sa théorie? Si non pourquoi?

FR: Il est incontestable que l’être humain possède de multiples fonctions cognitives (qui ont évidemment des bases cérébrales distinctes), et peut déployer ses talents dans de multiples domaines. Appeler chaque fonction ou talent « une intelligence » n’apporte rien, si ce n’est de la confusion sur la notion d’intelligence. Howard Gardner a eu beaucoup de succès dans le grand public, qui apprécie peut-être l’idée démagogique selon laquelle « chacun est intelligent à sa manière », mais n’a pas convaincu la plupart des chercheurs en psychologie, qui considèrent qu’il est plus sensé de réserver le mot d’intelligence à la notion d’intelligence générale, et d’utiliser les mots fonctions cognitives ou talents pour les éléments qui la composent.

Le Point: Que pensez-vous de la fiabilité des tests actuellement utilisés pour mesure l’intelligence chez les enfants et les adultes ? 

NG: Les tests de QI sont très fiables. Beaucoup de spécialistes critiquent le fait qu’ils ne mesurent pas tout ce qu’on aimerait connaître pour savoir si quelqu’un est « intelligent » dans un sens plus courant. Par exemple, le QI est assez peu lié à la créativité, à l’intelligence émotionnelle, ou à la motivation. Mais si l’on cherche à mesurer une sorte de puissance mentale générique, le QI est excellent. Les scores de QI prédisent les résultats scolaires et académiques mais aussi la réussite dans le milieu professionnel. A l’inverse, ils sont assez peu liés aux éléments de personnalité. Les tests usuels de QI sont les mieux connus, car ce sont littéralement des millions de personnes qui les ont passé depuis un siècle, et le recul qu’on a sur eux est phénoménal.

Le Point: La calibration des test WAIS vous parait-elle correcte? N’est-ce pas devenu un outil archaïque? 

NG: La WAIS pour les adultes ou la WISC pour les enfants sont parmi les plus utilisés au monde, et les efforts d’étalonnage sont considérables. De nouvelles versions sortent régulièrement. Donc je dirais que oui, la calibration est correcte et que non ce n’est pas un outil archaïque. En revanche, on ne peut évidemment pas tout savoir sur quelqu’un avec un tel test. Beaucoup de chercheurs pensent qu’on exagère généralement l’importance du QI. Le QI n’est pas une mesure de la valeur d’un humain.

Q: Qu’est-ce que ça veut dire « développer son intelligence », mis à part améliorer son score au test de QI? Peut-on développer son intelligence? Comment? Jusqu’à quel âge? Notre marge de progression est-elle limitée par nos gènes? 

FR: Développer son intelligence, c’est améliorer l’ensemble de ses fonctions cognitives, et acquérir des connaissances qui permettent de fonctionner plus efficacement et d’aborder des problèmes plus complexes. La scolarisation est le meilleur dispositif connu pour développer globalement l’intelligence des enfants. Chaque enfant a des marges de progression importantes dans tous les domaines, ce qui ne veut pas dire qu’elles sont illimitées. Les prédispositions cognitives des enfants contraignent les apprentissages qu’ils peuvent faire, ou la facilité avec laquelle ils peuvent les faire. Evidemment, on peut aussi améliorer son score de QI en s’entraînant aux tests. Malheureusement les améliorations aux tests se généralisent rarement aux performances dans la vie réelle, donc cette démarche est d’intérêt limité.

Q: Que se passe t-il au niveau du cerveau lorsqu’on fait des exercices d’entrainement cérébral?

FR: Tout entrainement, toute acquisition de connaissances, toute activité intellectuelle implique des modifications de certaines de nos propriétés cérébrales, en particulier les connexions entre les neurones. Les modifications de ces connexions impliquent elles-mêmes toute une machinerie moléculaire déclenchée par la modification de l’expression des gènes dans les neurones. Dans le cas de certains entrainements particulièrement intensifs, on peut même mesurer des changements de volume de certaines régions cérébrales à l’IRM. De manière plus générale, il faut bien comprendre que, le cerveau étant l’organe de la cognition, toute modification de nos capacités cognitives ou de nos connaissances est inévitablement associé à des modifications de notre cerveau. Un cerveau figé ne pourrait rien apprendre.

Le Point: Que faut- il penser de la multiplication des tests de QI sur le web ? Quelle valeur leur attribuer ? Est-ce des attrapes gogo ?

FR: Ils n’ont aucune validité établie. Dans la plupart des cas, ils ne servent qu’à attirer vers des sites commerciaux ou publicitaires. Les vrais tests d’intelligence sont protégés : seuls les professionnels qualifiés peuvent les obtenir, et ils sont tenus de les garder secrets.

NG: On peut s’en méfier, car ils ne sont pas étalonnés en général. Cependant, ils ressemblent assez souvent aux véritables tests, vus de loin.

Le Point: En quelles circonstances, l’établissement du QI est-il utile chez l’adulte? En quoi un bilan d’intelligence peut-il aider?

NG: Cela peut permettre à certains adultes d’être rassurés sur leur capacités. Dans le cas des adultes ayant un QI élevé, notamment les adultes à haut potentiel intellectuel (QI de 130 ou plus), cela peut dans certains cas expliquer un sentiment de décalage qu’ils ont toujours ressenti sans le comprendre. Dans le cas de maladies neuro-dégénératives, cela donne aussi une mesure objective de l’évolution des troubles. Si l’on va un peu plus loin que le seul QI total (ce que permettent les tests), on peut également, pour les enfants comme les adultes, avoir une idée plus précise du fonctionnement mental, connaître les points forts et les points faibles et ainsi trouver des stratégies d’adaptation.

Le Point: Que penser de l’utilité pour une entreprise de faire passer un QI à ses candidats à l’embauche? Est-ce un critère utile? trompeur?

FR: Dans le cadre d’une embauche, le plus important est d’évaluer la compétence professionnelle dans le métier visé, de la manière la plus précise possible. Les tests d’intelligence n’évaluent pas les compétences métiers. Néanmoins, il a été montré qu’une fois les personnes recrutées, le QI prédit partiellement la performance dans le poste, et ce dans tout l’éventail des professions. C’est donc une mesure complémentaire possible pour des recruteurs qui souhaiteraient départager des candidats ayant des compétences professionnelles semblant similaires.

Le Point: En général, les psychologues établissant un QI font-ils correctement leur travail?

NG: Je ne saurais pas le dire exactement. Ce qui est sûr, c’est que plusieurs écueils sont à éviter pour les psychologues, et qu’ils ne le font pas toujours. Le plus important, c’est de savoir reconnaître qu’un patient n’est pas en état de passer le test. On peut avoir un QI faible lors d’une passation parce qu’on est déprimé, stressé, fatigué, ou qu’on n’a pas envie de passer le test. Le résultat n’est alors pas du tout représentatif des véritables capacités, et le psychologue devrait s’en rendre compte et ne pas donner de QI sur la base d’un tel test.

Le Point: Existe-t-il  un commerce de l’intelligence ? Notamment en ce qui concerne la prise en charge des « surdoués » ?

NG: Indubitablement, le thème de surdoués est tout à fait « juteux ». De bonne foi ou non, beaucoup se sont engouffrés dans ce business, par exemple en victimisant les surdoués (on attribue alors tous les problèmes de la personne à un QI trop élevé, ce qui est très valorisant) ou en identifiant tout patient solvable comme surdoué (si le QI est trop faible, on explique qu’il est sous-estimé à cause d’une anxiété qu’il faut traiter par des programmes onéreux réservés aux plus intelligents). Il y aurait je pense une véritable enquête journalistique à faire sur ce business de la douance.

Sans qu’il y ait d’escroquerie, pour le psychologue, les vrais surdoués (car il y a énormément de fausses identifications également) sont des patients de rêve. Leurs capacités intellectuelles leur confèrent des ressources importantes et ils progressent vite en thérapie. L’accompagnement est plus agréable, et l’on peut comprendre que beaucoup aient envie de traiter préférentiellement les personnes à haut potentiel intellectuel.

Q: N’est-il pas vrai que les surdoués sont souvent hypersensibles, angoissés, qu’ils sont à risque d’échec scolaire ou de trouble des apprentissages?

FR et NG: Non, ce n’est pas vrai. Voir notre article à ce sujet.

Q: Les surdoués ont-ils un cerveau différent du reste de la population?

FR: Certaines propriétés cérébrales sont corrélées avec les scores de QI. Par conséquent, les personnes qui ont les QI les plus élevés tendent aussi à avoir les propriétés cérébrales correspondantes. Mais il n’y a pas de différence cérébrale qualitative entre les surdoués et le reste de la population. Voir mon article à ce sujet.

Le Point: Quelqu’un vous dit, j’ai un QI de 150 ! Que lui rétorquez-vous ?

FR: C’est une drôle de manière de se présenter. Mais si c’est vrai, c’est bien au-dessus de la plupart des gens (1 individu sur 1000 est au-dessus de 145).

Le Point: Dans notre société existe-t-il une corrélation entre réussite sociale, richesse, criminalité, l’espérance de vie, et le QI ? Et encore entre niveaux d’étude et QI?

FR: Oui, le QI est le meilleur prédicteur connu de la réussite scolaire. Un QI plus élevé est également associé (dans une moindre mesure) à de plus hauts revenus, une meilleure santé (physique et mentale), une plus grande espérance de vie, et un moindre taux de criminalité.

NG: Un QI plus élevé est statistiquement (légèrement) lié à moins de mortalité, plus de réussite professionnelle, une meilleure satisfaction au travail et des revenus plus élevés. Ces corrélations sont faibles, mais bien établies.